Un commentaire de Philippe Mitsch, vice-président
C’est avec inquiétude que j’observe les récents évènements au Burkina Faso. Le djihadisme s’est répandu en Afrique subsaharienne à partir de 2015, cependant, depuis 2020, la dégradation de la situation s’accélère.
Les raisons sont nombreuses. L’instabilité politique ainsi que la pauvreté et le manque d’opportunités économiques laissent les populations, en particulier rurales, livrées à elles-mêmes et vulnérables au recrutement par des groupes extrémistes. La faiblesse des institutions gouvernementales facilite le fonctionnement de ces organisations en leur opposant peu de résistance.
Cela a conduit à l’érosion de la confiance de la population burkinabè en son gouvernement. L’armée, chargée de lutter contre le djihadisme, est laissée sans financement, avec peu d’armes et de munitions. Les soldats, censés protéger le pays, manquaient de vivres en raison des décisions budgétaires du gouvernement et étaient laissés à leur propre sort au nord du pays. En réaction, la direction de l’armée a décidé d’agir. Elle a placé Roch Kaboré, président du Burkina Faso, en état d’arrestation et a dissout le gouvernement le 23 janvier 2022. Il a été remplacé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, un officier d’infanterie qui avait critiqué publiquement la manière dont la guerre contre les djihadistes est menée.
Le 30 septembre le Burkina Faso a subi un deuxième putsch. Cette fois le capitaine Ibrahim Traoré a destitué le colonel Damiba du pouvoir sous prétexte que le gouvernement provisoire n’avançait pas dans la lutte contre le djihadisme. En effet, plus de 3 100 personnes ont été tuées et 2 millions de personnes ont été contraintes de quitter leur domicile et leur village.
Si cela peut sembler décourageant au premier abord, l’impact sur nos projets de développement reste limité pour l’instant. Le personnel des Ministères impliqués dans nos projets reste en place et les engagements sont respectés. Nos partenaires aussi sont optimistes, que ces changements amélioreront la situation sécuritaire et que des élections civiles seront organisées en 2024.
L’avancement de notre projet de construction d’un « Lycée Technique » à Zambélé reste sur la bonne voie. La construction de la première partie des bâtiments a été achevée dans les délais, les enseignants ont été nommés par les autorités et les cours ont commencé comme prévu par le calendrier du projet. Les activités prévues pour la deuxième et troisième année sont bien engagées et certaines ont même été réalisées plus tôt que prévu.
En ce qui concerne notre travail de promotion de la traction asine, il est plus que jamais d’actualité. Les préparatifs pour une prochaine phase du projet sont en cours avec notre partenaire FESCOPAB qui reste optimiste quant à l’impact de la situation politique sur notre travail car les populations rurales sont résilientes et inventives. Travailler avec des structures de formation locales décentralisées leur permet de s’adapter à la réalité de leur territoire respectif et d’opérer indépendamment des décisions politiques et des contraintes posées par le terrorisme.
L’éradication de la pauvreté reste le moyen le plus important pour réduire l’influence de groupes radicaux, car cela permet d’aborder le problème de l’instabilité politique, économique et sociale a sa base.
A commencer par l’accès à l’éducation pour aider à briser le cycle de la pauvreté en augmentant l’employabilité mais aussi en réduisant l’attrait vers des croyances extrémistes.
La mécanisation de l’agriculture, avec des moyens accessibles aux petites exploitations familiales, augmente la productivité et l’efficacité du travail agricole. En retour, la production supplémentaire crée une nouvelle source de revenus pour les agriculteurs. Cela conduit à une sécurité alimentaire et à une croissance économique accrues, qui contribuent à sortir les populations rurales de la pauvreté.
Alors que l’usage de la force peut être un moyen de lutter contre le terrorisme, s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité politique, à savoir la pauvreté et le manque d’éducation, est la solution la plus prometteuse et la plus durable. C’est pourquoi nous restons dédiés à notre travail et à nos initiatives au Burkina Faso.
Philippe Mitsch, vice-président de LLJ – Service Coopération a.s.b.l.
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