Le zootechnicien

Le mot du spécialiste en zootechnie

Le Dr Philippe Lhoste, agronome zootechnicien et expert en traction animale, a contribué de manière significative à l’élaboration et au concept du projet de coopération CTAA (Centre technique de l’amélioration de la traction asine) d’Imasgo. Il assure le suivi du volet animal du projet de coopération – notamment lors des missions d’appui technique, mais aussi par le biais d’innombrables échanges de courriels et entretiens téléphoniques avec les responsables du CTAA et de l’ONG du Nord. Sa compétence professionnelle et ses conseils fructueux sont fort appréciés par les membres du Conseil d’administration de l’ONG.

Mais pourquoi l’âne ?

Engagé dans l’appui au développement rural au Sud, on me pose parfois la question : Mais pourquoi travailler sur l’amélioration de la traction asine, au Burkina Faso ?, dans ce projet lancé et financé par nos amis luxembourgeois. C’est en fait à la fois une réponse d’opportunité et une forme de choix raisonné. Cet engagement particulier est en effet:

– fondé sur une histoire récente,
– validé sur le terrain,

– basé sur une approche intégrée de la traction asine,

– motivé par l’évolution des systèmes agraires africains et
justifié au plans économique et social.

  1. Je ne reviendrai pas sur les aspects historiques abordés par Marcel et rappelés dans l’opuscule : L’âne « premier fils du paysan » (Regards sur l’introduction de la traction asine au Burkina Faso par les jeunes agriculteurs et viticulteurs luxembourgeois), 2004.
  2. La validation par et avec les acteurs sur le terrain mérite que l’on précise ici qu’il s’agit d’un processus continu d’enquête, de discussion et d’échanges avec les paysans du « plateau Mossi » qui a permis, depuis 2003, de consolider cette conviction:
    • ce serviteur permanent des agricultures paysannes qu’est l’âne, mérite amplement que l’on s’attache à mieux le connaître, mieux l’utiliser et en diversifier les utilisations dans l’intérêt des familles concernées.
  3. Cela passera donc par un travail sur l’animal lui-même, son harnachement et ses outils :
    • Il s’agit d’abord de mieux nourrir, soigner, dresser, utiliser l’animal au travail ; faire en sorte de l’utiliser efficacement sans souffrances, coups ou plaies  inutiles!
    • Le harnachement, pièce intermédiaire de l’attelage, est souvent déficient, ce qui diminue, non seulement le « confort » au travail de l’animal, mais aussi l’efficacité de ses efforts.
    • Enfin les outils sont souvent rudimentaires et  très peu diversifiés… et là se pose évidemment le problème de la fabrication d’outils parfaitement adaptés (1) à ce modeste animal de trait, mais aussi celui de leur coût pour les utilisateurs ; le micro-crédit devrait permettre de surmonter de tels obstacles.

C’est donc en intervenant sur les trois composantes de l’attelage (animal + harnachement + outil) que l’on vise une réelle amélioration de l’utilisation de la traction asine.

Au plan économique et social, l’âne, souvent considéré comme le « cheval du pauvre » se révèle de plus en plus et dans beaucoup de régions comme la solution technique et économique la plus adaptée et la plus fiable pour les agricultures familiales d’Afrique sub-saharienne. Il est, en effet, d’un prix abordable, d’un format modeste, peu exigent en nourriture et très efficace au travail. Il est donc bien adapté aux contraintes économiques croissantes des paysans.

Nous insisterons en conclusion sur deux points :

  • Entrer par la traction asine qui est au cœur des systèmes de production de la région, devrait permettre de proposer une série d’améliorations techniques pour une meilleure efficacité et durabilité de ces systèmes, avec des innovations telles que :
  • les cultures fourragères et le stockage de fourrages,
  • l’agroforesterie,
  • la diversification des cultures,
  • la gestion de la matière organique (fumiers, composts), etc.
  • Enfin, travailler sur la traction asine présente une réelle originalité puisqu’il existe très peu d’opérations ou de projets qui abordent l’amélioration de l’utilisation de ces modestes animaux qui restent relativement méconnus.

Notre  vision consiste donc à créer au Burkina Faso un centre de référence sur cette espèce et son utilisation. Ce centre de formation et de démonstration vise d’abord à répondre aux besoins des paysans de la région, mais il devrait voir son rayonnement dépasser les frontières des provinces concernées.

Philippe Lhoste,
agronome zootechnicien
lhosteph@orange.fr

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(1) La coopération avec l’association française PROMMATA (association pour la promotion du machinisme moderne agricole à traction animale) va dans ce sens de l’adaptation de matériel aux besoins des utilisateurs et aux capacités de ces animaux de trait.

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